Pierre Mesnage : “HRS se réorganise pour mieux prendre en compte les spécificités marché”

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Pierre Mesnage : “HRS se réorganise pour mieux prendre en compte les spécificité marché”

Récemment embauché pour occuper le poste de DG Western Europe, Pierre Mesnage détaille les raisons de la réorganisation interne de HRS.

HRS a procédé récemment à votre embauche, entre autres, au poste de DG Western Europe. S’agit-il d’un remplacement poste pour poste ou d’une réorganisation ?

Pierre Mesnage : Il y effectivement eu mon embauche au poste que vous venez de citer, et celle d’Audrey Serror, au poste de directrice commerciale. Quant à Emmanuel Ebray, il est désormais responsable des achats et de la gestion de nos équipes de consultants. Dans les trois cas, notre périmètre est effectivement ce que nous appelons “Western Europe”, soit : la France, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse francophone. C’est une réorganisation qui suit en un processus de régionalisation avec plusieurs grands corps géographiques identifiés, en plus de Western Europe : Europe du sud (Italie, Espagne, Portugal); DACH (pays germanophones + Pays-Bas); Etats-Unis; Asie; le UK et la Scandinavie étant englobés dans la zone EMEA, Central & nordic Europe. La centralisation est donc moindre - même si le CRM, l’outil restent uniques - avec une organisation qui pilote les objectifs zone par zone. Il s’agit de redonner des capacités d’actions au niveau régional. 

Cette organisation sous-tend donc une volonté de davantage prendre en compte les spécificités régionales. 

Oui car d’un marché à l’autre, les dynamiques sont spécifiques, autant du côté client que distribution et hôtellerie. Aux Etats-Unis, par exemple, le marché est essentiellement composé d’établissements de chaîne, avec des agences très présentes. En Allemagne, ce sont  90% d'hôtels indépendants, avec, donc, un GDS moins présent, des connectiques différentes…

La France se trouverait à égale distance de ces deux cas paradigmatiques ?

Oui, on peut dire ça. Pour la France, je vois cinq caractéristiques majeures. Il y a d’abord le poids significatif d’Accor avec ses quelque 30% de parts de marché; d'autres groupes, d’ailleurs, sont également très présents comme Louvre hotel. Mais ces groupes cohabitent avec de nombreux établissements indépendants ou de petites chaînes. Avec, bien sûr, une répartition, entre ces deux blocs, différente selon les destination. Ensuite, au niveau “clients”, il y a un pool de grosses entreprises nationales important - si on compare à l’Italie, par exemple - avec des challenges internationaux. Troisième point : la maturité des acheteurs/travel managers. Leur niveau d’expertise nous oblige à proposer une offre particulièrement “quali”, y compris au niveau technologique. J’ajouterais, dans le même domaine, une procédure d’appels d'offres beaucoup plus répandue que dans nombre de pays. Enfin, il y a une offre de HBT “business travel” plus segmentée qu’ailleurs.

Vous faites ici allusion à HCorpo et à CDS. Justement, par rapport à ces deux concurrents, quelle est la particularité de HRS ?

Je dirais que la spécificité de HRS est qu’elle n’est pas une entreprise française à l’origine. Je m’explique. En France, la récupération de TVA sur l'hôtel est assez limitée - elle ne se fait que sur la partie restauration donc essentiellement le petit dejeuner. C’est une vraie spécificité qui n’est partagée en Europe que par la Belgique et la Pologne. Dès lors, les players français ne considèrent pas cet enjeu comme crucial. Donc plutôt que de se connecter avec chaque hôtel, de récupérer les factures, de travailler sur la commission - ce qui demande de gros investissements en termes de tech et de ressources humaines - ils ont eu tendance à se connecter à trois ou quatre agrégateurs (Booking.com, Expedia…) en proposant une facturation centralisée satisfaisant les clients. Sauf que quand un voyageur part à l’étranger, il y a bien récupération de TVA ! Au UK, on récupère 20%; en Italie, 10%; au Danemark, 25%, etc. HRS, qui est né sur un “marché TVA”, s’est construite avec une connectique directe : on a 120 channel managers qui se connectent aux hôtels. On est en capacité, sur chaque résa, de contacter l’hôtel, de lui demander la facture, de l’analyser, de s’assurer de sa compliance... Avec ces informations récupérées, on enrichit les informations de paiement, y compris d’un Airplus en Allemagne. Cette différence est vraiment structurante.

Cet avantage concurrentiel bénéficie donc, en France, aux entreprises dont les collaborateurs voyagent à l’étranger…

Oui, mais pas uniquement. Si on cherche à récupérer la TVA sur les petits déjeuners français manuellement, ça n’a pas de sens : le coût est supérieur au bénéfice. Mais si la tech est en place, que le process est automatisé, ça devient intéressant. Résultat : si le ROI de la récupération de TVA à l’étranger est aux alentours de 10%, il est quand même de 1 à 3% en France (ou Belgique et Pologne).

Mais il y a un autre avantage qui découle de cette facturation directe, c’est la transparence : il y a systématiquement réconciliation entre ce que l’hôtel a facturé et ce qui a été réservé. Autre avantage induit : la personnalisation. La facture, c’est une source d’information précise de chaque poste de dépense : la nuitée, les taxes, le petit dej… Ce qui facilite la négociation qu’on réalise pour nos clients car on sait exactement comment le prix est composé. Et, bien sûr, l'offre proposée à chaque voyageur en tient compte.

Quels objectifs vous ont-ils été fixés ?

L’objectif de HRS a toujours été de fournir les “Fortune 500” donc, pour la France, notre cible est le CAC 40 et le SBF 120. Et c’est cohérent avec les atouts HRS que je viens de détailler. Donc mon objectif personnel est d’enrichir le portefeuille de ce type de clients.

Il s’agit donc de vous renforcer sur votre segment phare. Vous étendre à d’autres - le midmarket notamment - n’est donc pas prioritaire ?

Ce n’est effectivement pas prioritaire même si ce segment midmarket se développe de façon organique par les partenariats que nous avons développés. Ce n’est pas nous qui allons les chercher, ce sont les TMC qui travaillent avec nous. Et les TMC ont intérêt à travailler avec HRS si elles veulent bénéficier de notre politique tarifaire agressive (encore une conséquence de notre connectique directe qui élimine des intermédiaires) pour avoir la paix sur des sujets du type “le client a constaté des prix plus intéressant à l’extérieur”. 

“Plus intéressant à l’extérieur”... Vous faites allusion au leakage, un enjeu très important pour l’hébergement. Quelle est la stratégie de HRS dans ce domaine ?

Pour nous, il y a trois axes. D’abord, proposer un hotel program pertinent pour l’entreprise et le voyageur  : la satisfaction client qui est mesurée, l’approche éco responsable, la distance par rapport aux points d’intérêt, la sécurité… 

Ensuite, le niveau de prix. Au-delà des prix négociés par l’entreprise, il y a les prix “HRS” où on peut avoir de la performance sur des destinations où il n’y a pas forcément intérêt à avoir des accords spécifiques pour les entreprises mais où les collaborateurs n’iront pas voir ailleurs, sachant qu’ils ont déjà le meilleur prix sur notre plateforme. 

Et, enfin, ce qu'on appelle l’Invisible pay qui offre la possibilité de prépayer, avec des cartes virtuelles,  les chambres. Toujours l’idée d’améliorer l’expérience utilisateur avant, pendant et après le séjour. D’ailleurs, après chacune de ces étapes, on prend l’avis client.

Que pensez-vous de la tendance haussière des tarifs hôteliers, parfois bien au-delà de l’inflation…

D’après une récente étude KPMG, on constate, en termes de prix, un effet de la transparence du marché. Un hôtelier peut de plus en plus facilement faire une veille sur le prix de ses concurrents dans sa zone de chalandise et ça impacte les prix tant à la baisse qu'à la hausse. Quand, comme en ce moment, la demande est supérieure à l’offre, les prix, naturellement, augmentent. Et si on y ajoute les années Covid avec un besoin, pour les hôtels, de se “remuscler”, la tendance est renforcée. L’acheteur subit le marché. Ce qu'il veut, c’est comprendre. Or, notre outil permet de faire du prédictif et donc, éventuellement, de faire évoluer le parc hôtelier de l’entreprise, par exemple, pour limiter la hausse. On ne prétend pas être les meilleurs négociateurs du monde, c’est juste qu’on a la donnée pour donner ce genre de conseils, aussi bien au client qu’à l’hôtelier.

Comment envisagez-vous la période des Jeux olympiques ?

Pour nos clients sponsors des JO, on leur a déjà fait de l'allotement depuis un bon moment. Ça se compte en millions d’euros. Pour ces entreprises, les JO sont un événement qu’ils partagent avec leurs clients, partenaires : c’est  un vrai investissement en termes d’image de marque. Chez les autres, en juin et juillet, il y a davantage une stratégie de contournement : on va continuer à se réunir mais en évitant Paris, Lyon, Bordeaux,  les villes à épreuves, pour des tarifs plus raisonnables. L’idée des villes secondaires me paraît bonne vu l’offre hôtelière qui y est riche et l’offre train qui est large en France. C’est encore difficile de savoir s’il y aura baisse de volumes ou répartitions plus large des volumes (dans le temps et l’espace). Il faut rester vigilant mais globalement, je ne pense pas que ce sera si impactant.