Tribune JL Baroux – Clients et distributeurs, ces malaimés des compagnies aériennes

191
Tribune JL Baroux - Clients et distributeurs, ces malaimés des compagnies aériennes

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes. Créateur du World Air Transport Forum et de l’APG, ill dénonce dans cette tribune les relations inégales que les compagnies aériennes entretiennent avec leurs passagers et les agences de voyage.

Pas de semaine sans qu’un conflit entre une compagnie aérienne et ses clients ne fasse la une des médias. Dernièrement la caisse de garantie des transporteurs a été une nouvelle fois soulevée en Allemagne. Ce n’est pas le seul motif d’insatisfaction des clients.

Le client ? Connais pas...

Car, il faut bien le dire, la notion de client n’est toujours pas entrée dans l’ADN des transporteurs. Ces derniers ont plutôt tendance à considérer leurs passagers comme des unités de consommation, rien de plus. Ils ne prennent une personnalité morale que dans le cas, hélas de plus en plus fréquent, d’une conduite répréhensible à bord. En fait, la relation entre les compagnies aériennes et les utilisateurs est tout simplement disproportionnée. 

Prenons quelques exemples. La ponctualité des compagnies aériennes est mesurée avec une certaine tolérance. Ainsi, un vol est réputé être à l’heure s’il a quitté son point de stationnement dans le délai d’au moins 15 minutes après son horaire prévu. Cette tolérance est uniquement faite pour améliorer les statistiques. Je veux bien que le nombre d’intervenants nécessaires à assurer le départ d’un avion soit très important et de nature diverse, mais après tout le contrat qui relie les consommateurs à leur producteur décrit bien un horaire de départ et d’arrivée.

Or, les compagnies aériennes, sachant qu’il leur est difficile d’assurer un départ à l’heure exacte prévue, rallongent artificiellement les temps de trajet de manière à assurer une arrivée dans les temps. Et si, par hasard, le vol est parti à l’heure, il arrive alors en avance et les équipements nécessaires à son débarquement ne sont pas en place et les passagers doivent attendre debout dans l’avion. Par contre, si un client s’avise de se présenter avec quelques minutes de retard en porte d’embarquement, il se verra impitoyablement refoulé et ce quelque soit la raison invoquée par le consommateur. Cela n’a d’ailleurs aucune incidence sur la recette de la compagnie, le passager est jugé « no show » et ne sera pas remboursé. D’ailleurs s’il est en position d’un billet aller-retour non remboursable, son retour sera d’office annulé sans autre forme de procès. 

Les distributeurs ? Passons...

Les relations sont également disproportionnées entre les transporteurs et les distributeurs pour ce qui concerne la garantie de transport en cas de défaillance des compagnies. Certes les compagnies sont victimes de quelques redoutables distributeurs escrocs qui s’en vont tout bonnement avec la caisse sans régler les transporteurs dont ils détiennent la recette. C’est pourquoi, les compagnies aériennes, lassées de ces comportements, ont durci l’accès à leur billetterie en forçant les agents de voyages autorisés à détenir des garanties bancaires de plus en plus élevées et en les obligeant à participer à des caisses de garanties auxquelles ils doivent obligatoirement cotiser.

Voilà qui est parfaitement normal et qui assainit la profession de distributeur. Mais alors pourquoi n’est est-il pas de même du côté des producteurs. Pourquoi les autorités qui gèrent le transport aérien, je pense à IATA en particulier, n’obligent-elles pas leurs adhérents à souscrire à une caisse de garantie de leur côté afin de protéger les consommateurs dans le cas d’un dépôt de bilan ?

On constate depuis des années, en moyenne, la disparition d’une compagnie chaque semaine, sans que les clients qui détiennent un titre de transport sur l’opérateur défaillant puisse recevoir une quelconque compensation. Et les dégâts sont d’autant plus importants que les compagnies incitent leurs consommateurs à acheter leurs billets très longtemps à l’avance à coups de tarifs attractifs. Nombre de transporteurs n’arrivent à se maintenir que par la trésorerie ainsi dégagée sans que celle-ci soit protégée. 

Et que dire si un client ayant acheté son billet directement sur le site de la compagnie, ce qui est le cas en particulier pour les transporteurs « low cost », mais pas uniquement, doit faire une réclamation ou demander une compensation telle qu’elle est prévue par les règlements européens en cas d’annulation ou de retard ? Ce dernier devra faire preuve d’une extrême pugnacité pour obtenir satisfaction auprès de l’opérateur défaillant, le tout en ayant à faire à des robots lors des échanges téléphoniques, ce qui est d’autant plus frustrant qu’il est impossible de passer sa colère sur un collaborateur électronique.

Bref, la relation entre les compagnies aériennes et leurs consommateurs ou leurs distributeurs est loin d’être sur un pied d’égalité comme il sied à des parties d’un contrat. Or, un billet d’avion est un contrat même si les termes de celui-ci sont tellement complexes que personne, pas même les responsables des compagnies aériennes ne les a lus.

L’effort pour sécuriser l’argent des consommateurs et assurer une égalité entre les partenaires a été jusqu’à présent entièrement supporté par les clients et les distributeurs. Il serait temps que les compagnies aériennes fassent leur part du chemin.