Achat de Marcel par LeCab : “On participe à la consolidation du marché du VTC”

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Le BT d'une crise à l'autre (4/6) :

L'opérateur VTC LeCab se renforce en acquérant Marcel. Sa cible : le corpo. Yves Weisselberger, son président, nous en parle.

L'achat de Marcel par LeCab s'inscrit-il dans une inéluctable consolidation du marché du VTC ?

Yves Weisselberger : Oui. Je précise d'abord que LeCab a été racheté en 2019 par Snapcar, la société que j’avais créée. C’est alors la marque la plus connue qui avait été conservée. Et effectivement, c’est donc maintenant une deuxième étape de consolidation. Et cette consolidation est logique car dans le VTC, pour offrir un service satisfaisant, il y a une taille critique à atteindre. Je ne dis pas qu’on est dans un marché “winners take all”, du moins je l’espère, car il y a plus gros que nous ! Mais il faut un certain volume de chauffeurs, de clients pour que la fluidité des opérations soit assurée. Ce rapprochement relève aussi d’une autre logique : nos points communs avec Marcel. Deux notamment : notre positionnement fort sur le segment des déplacements professionnels, et nos initiatives en direction des chauffeurs, pour assainir la jungle qu’a pu constituer la relation plateforme/chauffeurs. LeCab assure ainsi un revenu horaire minimum de 35€ (comprenant le temps d'approche et de course, ndr), ça n’existait pas sur le marché. Et il y a une complémentarité aussi : nous, on vient de la tech (Yves Weisselberger est un ancien de KDS, aujourd’hui Neo, ndr); Marcel n’avait pas sa propre tech : on résout ce sujet-là.

Et qu’apporte Marcel à LeCab ? Des clients ? Des chauffeurs ?

Les deux. Mais en réalité, l’enjeu pour les VTC, ce sont les chauffeurs : des clients, il y en a tout le temps. Il faut pouvoir les convaincre de travailler pour toi. LeCab disposait de 13.000 chauffeurs, Marcel, de 8.000, en excluant les intersections, on arrive aujourd’hui à 18.000 chauffeurs affiliés (Uber, 40.000, ndr). C’est un environnement qui permet de bien servir les clients.

Sur combien de villes ?

Nous avons un bon service sur les 20 plus grosses villes françaises. Et de ces 20 grands pôles, on rayonne sur une quarantaine de villes supplémentaires. On estime qu’on couvre 85% du territoire français.

En quoi votre offre est-elle adaptée à clientèle pro ?

Il l'est par la tech, le monde d’où je viens. Je ne dis pas que le VTC est aussi compliqué que l'aérien, que les volumes sont les mêmes, bien sûr, mais on le considère comme un morceau du travel. Dès lors, on l’adresse avec une tech qui permet aux entreprises de piloter la dépense, de gérer leur politique voyage. Deux exemples : par essence, la plupart des appli VTC sont mono-utilisateurs. Or, une entreprise, c’est un ensemble de personnes. Dans l’appli LeCab, tu peux décrire l’entreprise, à qui sont rattachés les collaborateurs, tu peux réserver pour des collègues… Ce sont des choses très connues dans le travel mais pas dans le VTC, en général. D’autre part, on permet aux entreprises de gérer du paiement centralisé, de payer en fin de mois, par virement, par prélèvement, par carte logée. En termes de service aussi complet, on est les seuls sur le marché.

Si vous considérez que vous êtes une brique dans le travel, ça signifie que vous établissez des partenariats avec les autres briques…

Oui, ça fait clairement partie de notre stratégie que d’être au cœur de l’écosystème. Pour les agents de voyage, nous  sommes reliés à Amadeus. Nous avons une interface avec Neo ou avec booking.com. Nous sommes également reliés au système de notes de frais Neo et Concur. Et enfin, on peut payer avec Airplus. Nous voulons être connectés à tous les grands acteurs et quand ce n’est pas le cas, ce n’est pas de notre fait.

Y a -t-il une façon particulière d’utiliser un VTC pour un voyageur d’affaires ?

Oui et c’est relié à l’un de nos autres atouts : la fiabilité. Je m’explique. Historiquement, le VTC est fait pour avoir une voiture dans l’immédiat. Or, les voyageurs d’affaires réservent (c’est là leur particularité). Et s'ils réservent un véhicule pour 5h le lendemain matin, ils veulent vraiment être sûrs qu’ils peuvent compter dessus. On ne peut pas atteindre 100% donc disons que nous sommes à plus de 99% de satisfaction. 

Pourquoi seriez-vous plus fiable que les autres ? Parce que vous communiquez auprès de vos chauffeurs sur cette clientèle spécifique ?

Oui, on fait ça. Mais c’est une fois de plus la tech que je vais mettre en avant. On a un pilotage par algorithme très fin en termes de dispatch des véhicules et donc, en cas de problème de non adéquation entre commandes à servir et parc de chauffeurs disponibles dans les zones concernées, on est en capacité de réagir très en amont et, le cas échéant, c’est l’humain (une équipe de régulation) qui prend le relai.

Puisque vous fonctionnez comme un acteur du business travel, cela signifie-t-il que des account managers suivent vos grands comptes ?

Absolument. Et c’est aussi absolument vrai que c’est la culture "business travel" qui nous inspire : accompagner les clients pour une vision stratégique globale.

Si je suis Airbus, je peux demander à LeCab de densifier l’offre sur Toulouse, par exemple ?

Malheureusement, Airbus ne fait pas partie de mes clients mais oui, c’est le type de demandes qu'on peut gérer.

Et des tarifs négociés ?

Les marges de négo sont limitées : notre marge n’est que de 20% donc une baisse du prix de la course se répercute sur le revenu du chauffeur et le chauffeur - qui est bien sûr libre de travailler pour d'autres opérateurs - sera moins réactif donc le service en sera affecté.

Quelles typologies d’entreprises parmi vos clients ?

Tout le monde utilise des VTC donc c’est très varié. De grands comptes comme Air France, France TV ou Thalès. Mais aussi de nombreuses PME, des entreprises de média, des cabinets d’avocats…

L’identité française de LeCab est-elle un argument de vente ? Est-il envisageable qu’elle séduise à l’étranger ?

Je ne me balade pas avec un béret et une baguette ! Et je précise que je ne suis absolument pas “anti-étrangers”... Mais oui, c’est une chose qu’on met en avant car certains de nos clients ou prospects ont cette sensibilité, cette volonté de faire appel à un acteur fort français. De plus, cette french touch peut signifier en filigrane le respect d’une certaine éthique et d’une certaine qualité. Concernant l’internationalisation, on a eu des velléités par le passé, mais pour l’instant, on se concentre sur la France : on n’a pas de projet d’extension à l’étranger.

Et en France ? Allez-vous continuer à participer à cette consolidation du marché VTC ?

On va déjà digérer tranquillement cette fusion. Pour le reste… Quand Snapcar avait acheté LeCab il y a 5 ans, on avait dit qu’on voulait être un acteur de la consolidation du marché du VTC en France et que rien ne disait que ça s’arrêterait là. On vient de confirmer que ça ne s’arrêtait pas là. Je dirais, aujourd'hui, la même chose.